dernier, quelques mois avant la mort de ton
mari, des gauchos au repos ont organisé un concours
de flagellation avec elle et Sanida, les plus larges fessiers
de la hacienda, sous la bénédiction de don
Jaime, qui d'ailleurs assistait à la fête. Ils se
sont amusés à les faire chanter et danser en prouvant
tour à tour leur habileté pendant plus de la moitié
de la nuit. A la fin, pour se départager, les trois
ou quatre meilleurs ont dû les cingler cinq fois de suite
sur le sexe et chacun des mamelons avec
seulement la mèche du fouet. Don Jaime a offert une selle
neuve au gagnant. Ensuite, après les
avoir fait hurler de douleur et leur avoir mis le bout des seins
en sang, les hommes se sont acharnés
à faire gueuler Juana et Sanida de plaisir jusqu'au matin...
Et toi tu n'en a rien su, parce que don
Jaime l'a voulu ainsi. Il était le maître ! N'est-ce
pas toi la duena au moment où je parle ? Tu peux
agir à ta guise dans ton domaine, y faire et y laisser
faire très exactement ce que tu veux. Mais
quels que soient tes actes, même les plus scabreux, tous
doivent être persuadés que tu les juges
incapables de te trahir autant que tu te moques de ce qu'ils peuvent
penser, non parce que tu es
différente à leur opinion, mais parce que tu n'as
aucune espèce de compte à leur rendre... Crois-tu
que l'opinion de ses hommes intéresse le senor Meralda,
quand il fait entraîner et courir devant
eux, complètement à poil, sa femme et sa fille entre
les brancards d'un sulky ?... Sans parler de
tous les autres !
J'étais éberluée par les nouvelles révélations
de Mencia et commençais à me rendre compte
que, depuis plus de cinq années, je vivais comme une étrangère
dans cette demeure qui, si elle était
aujourd'hui ma pleine propriété, abritait aussi
des femmes et des hommes que je ne connaissais
qu'à peine et dont je ne savais rien ou presque des actes.
- Vas-tu m'en apprendre encore beaucoup comme ça ?
- A quelques détails près, je crois que tu sais
à présent l'essentiel... Il me reste à te
confesser une petite chose, mais je préfèrerais
être en situation pour le faire.
- Ce qui signifie ?
- Tu te souviens de ce que tu m'as promis à propos de mon
changement d'état, n'est-ce
pas? Toutefois, plutôt que faire de moi une demoiselle de
compagnie, il serait plus judicieux de me
nommer gouvernante de ta maison. Pas plus que Vicente, je ne suis
attachée au titre. Mais vis-à-
vis de toi, d'abord, je me sentirai beaucoup plus à l'aise
; vis-à-vis des autres, cela me confèrera un
pouvoir suffisant pour modifier bien des choses à ta satisfaction.
Comme j'en étais venue à l'admettre avec Vicente,
à qui elle se référait, il me fallait
convenir qu'elle avait raison et que ce caractère capable
d'autorité, qu'elle ne me cachait plus,
pourrait au mieux me servir.
- Je crois que le poste de gouvernante te conviens d'avantage
que celui de demoiselle de
compagnie, approuvai-je en lui souriant non sans malice.
Elle comprit, bien sûr, la transparente allusion.
- Justement rétorqua-t-elle, si tu le veux, après
dîner ce soir, nous pourrons aller nous
promener toutes deux près du lac. Là, nous célèbrerons
ensemble, mais à ma manière, les
changements dont tu viens de décider, et que je te demanderai
de me confirmer. Lorsque nous
rentrerons, je te promets d'être véritablement celle
que tu attends que je sois !
- Mon amante et MA gouvernante, n'est-ce pas ? insistai-je en
sentant renaître en moi l'excitation.