Après le fléau 104 |
APRÈS LE FLÉAU : L’HISTOIRE JUSQUÀ CE JOUR
Adaptation Française : Perverpeper.
Chapitre 104.
Assis derrière votre PC, ou avec votre portable sans fil sur les genoux, ou encore, étendu dans votre lit avec un document imprimé, il vous est impossible d’imaginer les dernières minutes de la course de montagnes russes ; les atroces douleurs des poumons en feu, des muscles torturés, des derniers pas haletants avant la ligne d’arrivée.
Et la liberté.
Ou l’enfer.
Entre la fierté du père, la loyauté du fils et l’amour de la fille, c’est la mère qui est la plus protectrice et la plus déterminée pour préserver sa famille.
Malgré tout le courage et toute la force de l’homme, c’est la femme qui peut endurer les maux les plus terribles et supporter la plus grande souffrance.
La dernière manche fut une course entre les trois ‘mamans’.
Les deux premières étaient au coude à coude ; Mme Evans, 48 ans, à la ligne 1, se démenait aux côtés de Mme Kelly, 40 ans à la ligne 2. Alors que dix secondes plus loin et apparemment destinée à perdre, Mme Harvey-Stackford, 51 ans, tanguait sur le couloir numéro 3, apparemment partie pour perdre.
Contrairement aux autres participants, les trois femmes mûres avaient les mains libres. Mais elles devaient s’en servir pour soulever et présenter leurs poitrines tombantes aux spectateurs survoltés. Elles se dandinaient désespérément dans leurs colliers de chien turquoise, rose et jaunes assortis à leurs escapins à talons aiguilles.
Elles n’avaient qu’une idée en tête.
Je dois gagner.
Alors elles oubliaient la douleur, la honte et tout ce qui les entourait ; les visages hurlants et grimaçants, les caméras, les micros, les écrans qui retransmettaient en gros plans leur progression et les lumières vives. Elles n’entendaient pas les hurlements assourdissants, ne ressentaient plus cette douleur à en devenir folles ni l’épuisement qui les avait gagnées.
On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs.
Il faut savoir souffrir pour être belle.
Elles avaient atteint la longue section finale où la rampe n’était plus en plastique du tout. La partie hérissée de petits poils fondus et teints dans les mêmes couleurs chaudes, turquoise, rose et jaune. Les minuscules raidillons étaient orientés à contre-sens, face aux concurrentes qui étaient confrontées à un choix peu enviable.
Soit elles propulsaient leurs entrejambes aussi vite que possible à travers les "poils de brosses" vicieux qui dépassaient du rail, ce qui allait ravager leurs parties intimes, soit elles progressaient plus lentement, afin de réduire, autant que faire se peu, la douleur atroce, au détriment des précieuses secondes dont elles avaient tant besoin.
Contre toute attente, Mme Harvey-Stackford n’accorda aucune importance aux picots qui mordaient dans ses chairs distendues et se glissa sur le rail comme s’il était identique aux sections précédantes. Son sexe ressemblait à un oursin couvert d’épines jaunes cassées.
Mais, plus important encore, elle rattrapa presque les deux autres, pourtant plus jeunes et mieux portantes.
Finalement, peu avant la ligne d’arrivée, se trouvait la ‘chicane’.
À cet endroit, les trois rails se rejoignaient en une large rampe à tros couleurs, de la taille d’une cuisse d’homme.
Les concurrentes devaient y écarter largement les pieds, faisant traîner leurs escarpins le long du trajet dans une démarche la plus innéficace, indigne, douloureuse et lente.
Les contacteurs métalliques situés dans la base de leurs talons envoyèrent une décharge électrique sur la rampe, lorsqu’ils entrèrent en contact avec les plaques métalliques réparties aléatoirement dans le sol. Des étincelles bleues, roses et jaunes se mirent à crépiter autour de leurs tailles.
Mme Kelly était de justesse en tête lorsqu’elles arrivèrent à la chicane, suivie par Mme Evans et Mme Harvey-Stackford qui les talonnait.
Un claquement électrique accompagné d’une pluie d’étincelle rose signala que Mme Kelly avait eu la malchance de déclencher une décharge électrique au bas de sa colonne vertebrale. Elle haleta et laissa échapper un gémissement noyé dans la cacophonie qui regnait maintenant dans la salle.
Mme Evans s’empila derrière elle et entra en contact, elle aussi, avec l’une des petites plaques métalliques. Le choc électrique les paralysa toutes les deux, bouches ouvertes, de la salive coulait le long de leurs mentons.
Pourtant, elles rassemblèrent leurs forces et se ruèrent à nouveau en avant, pour sortir de la chicane où les trois rails se divisaient à nouveau pour former la dernière portion de parcours.
Devant elles, leurs familles hurlaient des encouragements, chaque visage noyés par les larmes et l’espoir.
Une tomate pourrie explosa sur le visage épuisé de Mme Evans, envoyant son jus et ses pépins dans toutes les directions.
Un œuf heurta le menton de Mme Harvey-Stackford, envoyant des éclats de coquilles, de blanc et de jaune partout sur son collier jaune canari.
Elles atteignirent la ligne d’arrivée virtuelle alignées les unes avec les autres.
Après les quatre tours de course effectués par chaque membre des familles, aussi incroyable que cela puisse paraître, l’issue de la compétition se jouait à quelques centimètres.
Elles étaient presque ex-aequo.
Presque.
À cet instant précis, les lumières s’éteignirent.