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Sarah Porter va à l'école (01)
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Adaptation française par Perverpeper

 

 

Avant-propos : Ce conte entièrement fictif est l’adaptation française de l’œuvre américaine d’un auteur dont le pseudonyme est "Garmonbozia".
Sachez que ce récit fait l’objet d’un copyright et ne doit donc pas être posté sur aucun autre site sans autorisation formelle.

PP

 

 

Sarah Porter va à l'école

 

Chapitre 1 - Dans lequel Sarah arrive à l’Académie d’Harkwood.

L’immense édifice en pierres d’Harkwood s’élevait entre les arbres, au bout du chemin en graviers, apparaissant, tel la scène d’ouverture d’un film historique.
Ce fut le premier regard de Sarah Porter sur sa nouvelle école. Il avait fallu presque cinq minutes au taxi pour remonter le chemin depuis la grille d’entrée et plus elle approchait de sa destination, plus son appréhension augmentait.

Bien sûr, elle ressentait aussi de l’excitation, mais une nouvelle école dans un nouveau pays restait quelque chose d’inquiétant.
C’était une énorme opportunité ressassait-elle continuellement dans sa tête, car le fait que son beau-père ait voulu se débarrasser d’elle ne signifiait pas pour autant qu’elle ne devait pas être reconnaissante.
Ses recherches sur Internet lui avaient montré d’excellentes références, un cursus scolaire brillant avec des résultats d’examen excellents. Exactement ce qu’elle recherchait. Elle savait qu’elle aurait du être heureuse, mais avoir traversé l’atlantique pour intégrer un pensionnat l’effrayait un peu.

Le crissement des graviers provoqué par le départ du taxi la tira de ses rêves. Elle était tellement préoccupée qu’elle n’avait même pas réalisé qu’elle était arrivée.
Elle se retourna et fit face aux imposantes portes en bois qui se dressaient au pied de l’immense construction en pierres grises.
La jeune fille resta là, ses deux sacs à côté d’elle - tout ce qui lui restait de sa vie précédente - et se remit à rêvasser.
Elle ne mesurait qu’un mètre cinquante pour une taille très fine, et se tenir là, devant cette vieille bâtisse aux accents gothiques, lui fit penser aux histoires horrifiques de Lovecraft qu’elle aimait tant lire. Elle n’aurait presque pas été surprise de voir surgir un monstre tentaculaire à travers les portes en chêne bardées de métal épais.

Elle frissonna légèrement, s’empara de ses sacs et s’approcha des grandes marches en pierre qui donnaient accès au bâtiment. Il était tard dans l’après-midi et, bien que ce soit encore l’été, le temps était couvert – il allait lui falloir s’habituer à ça, maintenant qu’elle allait vivre dans ce pays – et légèrement frais. Elle ferma un peu plus étroitement son manteau et s’estima heureuse de porter des collants sous ses jeans.
Elle était anxieuse de pénétrer dans l’édifice pour y découvrir sa nouvelle école et être enfin fixée. Sa main trembla un peu, lorsqu’elle la tendit vers le gros anneau en cuivre qui était suspendu au milieu de la porte centrale et le fit cogner deux fois.

Presqu’aussitôt, les portes s’ouvrirent et elle fut accueillie par un visage barbu et souriant.

« Bonjour Mademoiselle, que désirez vous ? »

« Euh, je suis Sarah Porter, » Marmonna-t-elle.

Même avec un sourire, le géant qui se tenait devant elle était impressionnant. Bien au-delà du mètre quatre-vingt, costaud, une puissance sereine exsudait de sa carrure.

« Sarah Porter ? Et qui est Sarah Porter quand elle est chez elle ? »

Sarah ne sut trop quoi répondre à ça, c’était manifestement quelque expression Anglaise typique. Ça façon de s’exprimer était bizarre et ses questions plutôt déconcertantes.

« Euh, je… Je suis une nouvelle étudiante, ici à Harkwood. Je viens juste d’arriver. » Balbutia Sarah en désignant ses sacs sur le sol derrière elle.

« Ah… Et bien, vous feriez mieux de rentrer, non ? »

Sur ce, il se décala sur le côté et lui fit signe d’entrer. Elle reprit ses sacs et franchit les portes immenses, pour pénétrer dans un hall aussi démesuré que l’était le reste. Elle regretta qu’il n’ait pas proposé de l’aider à les porter, il aurait certainement pu le faire à l’aide de son petit doigt.

« Nous ferions mieux d’aller tout de suite chez la directrice, vous ne croyez pas ? Vous êtes déjà en retard et nous ne voudrions pas que vous aggraviez votre cas, n’est-ce pas ? »

Aggraver son cas ? Qu’est-ce qu’il racontait ? Il était vrai qu’elle avait du retard, mais son vol avait été repoussé et elle avait dû s’arrêter à Londres pour envoyer quelques cartes postales. De plus, les cours ne commençaient que la semaine suivante, elle avait tout le temps pour faire connaissance des lieux.
Elle reprit ses bagages et se démena pour suivre le personnage qui s’éloignait déjà le long d’un couloir sur sa gauche, forcée d’admettre qu’il était séduisant. Sa stature athlétique n’avait pas échappé à la jeune fille. Elle se serait même faite à l’idée de le suivre partout, bien qu’il paraisse dix ans de plus qu’elle.

Au milieu du couloir, il s’immobilisa et frappa à une porte. Sarah venait à peine de le rejoindre lorsqu’il l’ouvrit et pénétra à l’intérieur. Au moment où elle allait la suivre, la porte se referma devant elle.

DIRECTION
Mme HUFFINGTON-SMYTHE P

Lut-elle sur les lettres dorées en relief gravées sur la porte. Waow ! Quel nom à coucher dehors, se dit-elle.
Des voix étouffées lui parvinrent à travers la porte et elle s’apprêtait à se pencher légèrement en avant lorsque celle-ci s’ouvrit brusquement. L’homme ressortit et s’éloigna à grandes enjambées, sans un mot envers la jeune fille qu’il venait de faire sursauter, pour retourner d’où il venait.

« Entrez ! » Retentit une voix de stentor. Sarah resta immobile, regardant vers le couloir, un peu stupéfaite par le comportement de l’homme. Les Anglais n’étaient-ils pas réputés pour leur politesse ?

« Êtes-vous sourde ou idiote ? »

Sarah sursauta, attrapa ses sacs et se précipita dans la salle. La grande pièce était joliment agencée et richement décoré, avec d’épais tapis bordeaux, des fauteuils en cuir et un magnifique bureau en acajou. Les murs étaient recouverts de portraits au style baroque. Sarah s’abima un instant dans la contemplation de l’aménagement luxueux, c’était la première fois qu’elle était confrontée à tant de raffinement. On se serait cru dans un palais royal.

« Alors vous devez être idiote… » Déclara la femme assise derrière le grand bureau qui dominait le côté de la pièce.

Sarah rougit, détournant les yeux de la décoration pour regarder vers son interlocutrice. La femme devait approcher la quarantaine, mais elle était très séduisante. Elle avait un maintien et une grâce que Sarah trouva énigmatique et en même temps étonnamment incongrus. Elle lâcha ses sacs et s’avança en tendant la main.

« Salut ! Je m’appelle Sarah Por… »

« SILENCE ! »

Sarah fut stupéfaite. La violence du ton employé la fit sursauter et reculer de quelques pas, en regardant instinctivement vers la porte.

« Reprenez immédiatement ces sacs, retournez à la porte et rangez-les soigneusement contre le mur du couloir. Ensuite vous pourrez revenir et vous tenir là. » Ordonna la directrice en indiquant un point imaginaire devant son bureau.

Son regard sévère ne quitta pas les yeux de la jeune fille effrayée.

Sarah reprit ses sacs et alla docilement les déposer à côté de la porte. Cela faisait cinq minutes qu’elle était arrivée et elle se demandait déjà ce qu’elle faisait ici, si loin de chez elle. Elle revint timidement vers le bureau et vint se positionner devant cette femme irascible, si différente du directeur de son ancienne école. Le brave Monsieur Jamison lui parut plus sympathique que jamais.

« Ce n’est pas là que je vous ai demandé de vous mettre. Déplacez-vous à droite. »

Sarah leva un sourcil interrogateur, mais fit quand même un pas sur la droite, se demandant quelle différence ça pouvait bien faire, puis regarda la directrice pour requérir son approbation.

« Alors vous êtes une petite pédante arrogante, c’est ça ? »

Sarah n’avait aucune idée de ce qu’était une pédante, mais elle était sûre que ça n’était pas un compliment.

« Non, Mme Huffington Smith. » Répondit-elle obséquieusement.

Il valait mieux ne pas l’irriter plus que ça, le premier jour n’était pas le meilleur pour chercher les complications, se dit-elle.

« Comment osez-vous !? Vous avez encore beaucoup à apprendre, Mademoiselle. Être originaire d’un pays aussi inculte que le votre n’est pas une excuse pour l’ignorance et la grossièreté. Vous devez m’appeler Madame et vous avez mérité une infraction pour impudence. Est-ce que vous comprenez ça ? »

« Oui Madame. » Murmura Sarah, bien qu’elle ne comprenne pas la signification de tout ça. »

« Parlez à voix haute et intelligible ! Marmonner est synonyme de "mauvaise éducation", comme s’il nous était nécessaire d’en avoir la preuve, dans votre cas. » La réprimanda la directrice en se renfonçant dans son siège.

« Oui Madame. » Répondit Sarah, d’une voix plus forte.

« Oui Madame, quoi ? »

« Euh… Oui Madame, je comprends. » Dit Sarah d’une voix incertaine.

« Je doute fort que ça soit le cas, mais comme je n’ai pas envie d’y passer la nuit… »

La directrice ouvrit un dossier.

« Sarah, Joséphine Porter, Américaine. » Elle prononça ce dernier mot avec une moue de dédain. « Votre père a réglé vos frais de scolarité pour les deux années à venir. »

À l’énoncé du mot "père", Sarah ouvrit la bouche pour parler, mais elle se retint rapidement. Ça n’était pas son "père".  C’était seulement le dernier bâtard riche sur lequel sa mère avait réussi à jeter son dévolu.

« Tenez-vous droite. Les épaules en arrière, les pieds dans le prolongement de vos épaules, bras dans le dos, mains croisées sur vos reins, la droite dans la gauche, les coudes en arrière. »

Sarah fut un peu choquée, trop stupéfaite pour bouger. Les instructions lui avaient presque été aboyées, trop vite et trop vigoureusement.
La directrice se leva lentement de son fauteuil. Elle se déplaçait avec une grâce flegmatique, assortie d’une menace diffuse.
Sarah se mit rapidement en position, du mieux qu’elle pouvait.
Elle se demanda dans quel genre d’école son beau-père l’avait inscrite. Elle savait que c’était une institution pour jeunes filles de bonne famille très prestigieuse, mais elle était loin d’avoir imaginé que ça puisse être l’une de ces écoles disciplinaires du XIXème siècle, comme dans les livres de Charles Dickens.

La directrice passa à côté de Sarah en marchant lentement, les manches en soie de son corsage effleurant presque le corps de la jeune fille. Sarah tourna la tête pour la suivre des yeux.

« Le regard droit devant vous ! »

Sarah redressa sa tête d’un mouvement sec. Comment avait-elle pu savoir ? Elle n’aurait pas du la voir.
Soudain, elle sentit quelque chose de dur et de lourd se poser sur sa tête. Instinctivement, elle tenta de se dégager, mais une poigne de fer la retint en se refermant sur son bras, lui causant une douleur immédiate.

« Ne bougez pas tant que vous n’y êtes pas autorisée. Maintenant, tête droite et les yeux devant vous. »

Sarah fit ce qu’on lui demandait et réalisa rapidement que c’était un livre qui se trouvait sur sa tête.

« Lorsque vous vous tiendrez au garde-à-vous, c’est dans cette position que vous devrez être. Et lorsque vous serez en présence d’une enseignante ou d’une autorité de l’école, vous devrez rester au garde-à-vous tant qu’on ne vous demandera pas autre chose. La négligence n’est tolérée chez aucune des filles de Harkwood. Vos yeux devront rester fixés droit devant vous, la curiosité est indigne d’une jeune fille bien élevée. Vous attendrez jusqu’à ce qu’on vous donne quelque chose d’autre à faire et alors vous vous ne vous concentrerez plus que sur ça.

La directrice tournait lentement autour de Sarah tout en lui faisant la leçon. Elle entrait et sortait de son champ de vision, lui donnant constamment envie de bouger la tête ou les yeux pour suivre ses mouvements.
Sarah se concentra et fixa un portrait qui était accroché derrière le grand bureau, vraisemblablement une ancienne directrice.

Lorsque la femme revint s’asseoir à sa place, Sarah la suivit du regard. Elle regardait toujours devant elle et pensait que c’était normal de regarder quelqu’un qui vous parlait.

« Une infraction pour désobéissance et une autre pour mauvaise posture » Déclara la directrice sur un ton résigné. Les yeux de Sarah se détournèrent aussitôt et se fixèrent à nouveau sur le portrait.

« Personnellement je trouve les filles "lentes à la comprenette" plutôt ennuyeuses, mais nombre de vos professeurs y verront un challenge. Est-ce que vous comprenez bien votre position, Mademoiselle Porter ? »

« Euh… Oui Madame. »

« Très bien, alors décrivez-là moi. »

Sarah n’avait pas du tout réfléchi à cet aspect des choses. Elle avait simplement pensé qu’il serait plus prudent d’approuver, et les conséquences ne furent pas longues à suivre. Qu’entendait-elle par "position" ? Elle ne trouvait rien de mieux à dire et sentait que son temps était compté.

« Je me tiens au garde-à-vous, Madame. » Tenta-t-elle en espérant que c’était ce qu’attendait la femme.

Elle se sentait confuse et un petit peu stupide, ce dont elle n’avait pas du tout l’habitude.

« Continuez. »

« Euh… je me tiens… »

« … Si vous dites "Euh" encore une fois, vous recevrez une autre infraction. "Euh" est un mot que les gens stupides emploient pour essayer de faire fonctionner leur cerveau aussi rapidement que celui des gens normaux. »

« Oui Madame, désolée Madame. Je me tiens au garde-à-vous avec mon dos droit, mes épaules en arrière et mes mains croisées dans mon dos… »

« Et pourquoi vous tenez-vous au garde-à-vous ? »

« H… Parce que vous me l’avez demandé, Madame. » Sarah se rattrapa in extremis et grimaça légèrement, espérant qu’elle n’avait pas aggravé sa situation.

« Bien, les esprits simples donnent des réponses simples, je suppose. Vous vous tenez au garde-à-vous parce que vous êtes en présence d’une supérieure. D’après ce que j’ai cru comprendre durant ce court entretien, je pense que vous aurez beaucoup de mal à trouver quelqu’un qui ne vous soit pas supérieur à Harkwood. » Déclara la directrice en esquissant un sourire méprisant.

Sarah rougit de honte, et ses joues se marbrèrent de rouge. Elle se sentait comme une toute petite fille. Rien de ce qu’elle faisait n’était bon. Rien de ce qu’elle disait n’était juste. Elle n’était arrivée ici que depuis dix minutes et elle se sentait déjà rejetée. Peut-être aurait-elle mieux fait de rester chez elle, dans son école normale, peut-être aurait-elle du refuser cette chance de poursuivre ses études dans cette grande école pour en obtenir une distinction d’excellence.

Elle avait toujours fait partie des meilleurs élèves de son école et n’avait jamais eu une moyenne en dessous de 17/20, mais ça ne signifiait pas grand-chose dans son ancienne école où la plupart des étudiants étaient heureux lorsqu’ils obtenaient une note supérieure à 12 à une interro. Pourtant, ici, elle se sentait incapable de se distinguer, et dire qu’elle n’avait encore rencontré que la directrice.
Quelque part au fond d’elle, Sarah trouva le courage d’arrêter de douter. Elle devait se surpasser et continuer à croire en elle, et se battre pour exceller. Non pas seulement à exceller, mais à être la meilleure : La meilleur de sa classe, la meilleure de l’année scolaire et la meilleure de l’école.

« Pour revenir à nos moutons, si je puis dire, votre père vous a inscrite à notre programme scolaire spécial. Cela signifie que vous serez placée dans la Maison Trinité. Vous ne suivrez vos cours qu’en compagnie des autres étudiantes de Trinité. Vous dormirez dans le dortoir de Trinité et vous serez donc soumise à toutes les coutumes et règlements inhérents à cette Maison. Nous vous offrons une opportunité qui ne se représentera pas, Porter. Nous comptons nombre d’anciennes élèves de Trinity très distinguées aujourd’hui, y compris deux femmes de présidents de pays européens. Il me faut aussi insister sur le fait que les filles de Trinité sont éduquées selon des critères plus sévères que les autres. Il n’y a pas de résultats moyens à Trinité. Soit on réussit à cent pour cent soit on échoue, et laissez-moi vous dire, Porter, que l’échec n’est pas toléré à Harkwood. Compris ? »

« Oui Madame, » Répondit Sarah avec conviction.

Elle tenait sa chance pour faire ses preuves. Une Maison spéciale, un programme scolaire spécial. C’était tout ce dont elle avait rêvé.

« Avant que vous soyez équipée et que vous rencontriez votre tutrice, il faut d’abord que nous nous occupions de l’aspect administratif. Signez ce formulaire aux endroits marqués d’une croix. Vos parents les ont déjà signés, ainsi que moi. Une fois que votre inscription sera complétée, votre cursus d’étudiante à Harkwood pourra débuter.

La directrice déposa un stylo sur le dossier et poussa le tout sur son bureau, vers Sarah. Celle-ci savait que c’était un test, elle se retint à tant de baisser les yeux sur le papier. Finalement, après le choc du début, alors qu’elle avait été traitée comme une gosse, son cerveau s’était remis à carburer.
Elle savait qu’elle n’était pas censée se pencher et prendre le stylo. Non seulement cela risquait de faire tomber le livre, mais, en plus, elle quitterait la position sans autorisation. La seule chose qui l’inquiétait était de savoir si elle devait demander la permission de bouger ou bien attendre. Elle décida que faire attendre la directrice risquait d’être la moins bonne option.

« Puis-je bouger pour signer, Madame ? »

« Oui Porter, ôtez ce livre de votre tête, posez le sur cette table et signez votre formulaire d’inscription. » Répondit celle-ci en désignant une table basse située derrière Sarah.

La jeune fille attrapa le livre en cuir qui se trouvait sur sa tête et alla le poser sur la table. Puis elle revint se poster devant le bureau, s’inclina, attrapa le stylo et regarda le document. Il y avait la signature de sa mère et de son beau-père, ainsi que celle, grande et très appuyée, de la directrice, le seul endroit vide n’attendait plus qu’elle. En quelques secondes, c’était terminé. Il ne lui vint même pas à l’idée de lire ce qui était écrit sur la feuille. De toute façon, il ne devait s’agir que de choses barbantes concernant les autorisations et les notes.

À l’instant où elle relevait son stylo de la page, la directrice récupéra le formulaire et le stylo pour les ranger aussitôt dans un des tiroirs de son bureau.
Puis elle releva silencieusement les yeux sur Sarah qui reprit précipitamment sa position de garde-à-vous et attendit avec appréhension ce qui allait suivre.

« Entrez, Miss Harper, » Cria la directrice.
La porte s’ouvrit derrière Sarah et il lui fallut un effort de volonté herculéen pour ne pas se retourner afin de voir qui c’était.

« Ah, Miss Harper. Voici celle dont vous serez responsable pour le reste du semestre. Elle s’appelle Porter. Veuillez l’accompagner jusqu’au bureau d’approvisionnement, la faire équiper et vous assurer qu’elle y subisse son examen médical. Ensuite, vous pourrez lui montrer rapidement le domaine. J’ai bien peur que vous ne ratiez le diner, mais on vous servira un souper plus tard, une fois que votre pupille sera à bon port dans son dortoir. »

« Oui Madame. »

Sarah ne pouvait toujours pas voir la fille qui lui était assignée. Elle avait une voix un peu plus âgée, ce qui paraissait normal. Probablement une dernière année dont c’était le rôle de lui donner un coup de main et l’aider à s’installer.

« Porter, voici Miss Harper et vous devrez vous adresser à elle de cette façon. C’est une préfète de la Maison Medea. Il faudra la compter comme une de vos supérieures, ici à Harkwood, de même que toutes les préfètes. Vous lui devrez une obéissance sans faille et un bon comportement car celui-ci rejaillira sur elle. Techniquement c’est votre dresseuse, mais ce terme est un peu archaïque et il est devenu commun de les appeler "Préceptrice". C’est une petite rupture avec la tradition que j’autorise. Maintenant allez. »

Sarah jeta un coup d’œil sur la fille et s’avança vers la porte. Sa Préceptrice était un peu plus grande et plus trapue qu’elle. Pas vraiment grosse, mais pas mince non plus. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Sarah. Elle pourrait sans aucun doute devenir sa première amie dans sa nouvelle école.

« Porter ! Quand tu es congédiée par une supérieure, tu dois lui montrer le respect qu’il convient. Maintenant fait ta révérence à Madame la directrice. »

Le sourire de Sarah disparut. Ça ! Une nouvelle amie ? Cette saleté était probablement l’une de ces vacheries snobinettes qui étaient convaincues qu’elles étaient meilleures que toutes les autres. Comment pouvait-elle lui demander de faire une révérence, elle ne portait même pas de jupe ?

Le cerveau de Sarah se remit à carburer. Elle se retourna vers la directrice et fit un semblant de génuflexion qui ressemblait vaguement à une révérence qu’elle avait vu quelque part à la télévision.

« Raté ! » Aboya Harper. « Garde-à-vous… Maintenant avance ton pied droit devant le gauche et plie les genoux… C’est trop ! Tu n’es pas dans une salle de gym en train de faire des flexions. »

Sarah était mortifiée d’être corrigée de cette façon par une autre fille, mais elle serra les dents et fit ce qu’on lui demandait.

« Maintenant, garde ton dos droit, mais plie la taille et penche-toi légèrement en avant. Les mains bien visibles, vers les hanches, à l’endroit où ta jupe devrait être. L’index et le pouce en contact et le reste de tes doigts en éventail. Bien. Maintenant fais-le toute seule. »

Sarah sentit son rougissement se propager sur sa poitrine, puis son cou et sa figure. Elle sentit ses joues chauffer à un point inimaginable, tandis qu’elle pratiquait sa première révérence sous les directives d’une autre jeune fille.

« Souhaitez-vous que je note cela comme une infraction, Madame ? » Demanda Harper.

« Non Harper, cette fois je laisserai passer. Elle compte déjà trois infractions, pour désobéissance, impudence et mauvaise posture. Notez-le afin que ça puisse être enregistré sur sa fiche lors de son traitement. »

« Oui Madame. Viens Porter, prends tes sacs, nous y allons. »

Sarah courba la tête et se glissa vers la porte à la suite de la grande. Elle saisit ses sacs et s’avança dans le couloir, le cerveau embrumé par la confusion, l’humiliation et une légère peur. Ça ressemblait à un cauchemar, mais elle saurait s’y adapter. Elle montrerait à ces gens que leurs règles idiotes et leurs traditions ridicules ne lui faisaient pas peur.

perverpeper@perverpeper.com

 

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